Hello les Bromptonautes !
Depuis 9 mois que je roule en Brompton, j'ai eu l'occasion de faire plusieurs sorties entre 45 et 65 km, mais je me demandais comment se passerait une sortie de longue distance avec ma nouvelle monture. Cet été, j'en ai enfin eu l'opportunité, et je vous livre mon ressenti au travers de ce premier récit sur le forum.
Comme l'an dernier, je voulais accompagner mon fils à son camp scout en train et vélo, plutôt que bêtement en voiture. Cette année, le défi était plus relevé, avec comme destination Cornus, en Aveyron, aux marges du Causse du Larzac. La gare la plus proche accessible un dimanche matin était Tournemire - Roquefort, sur la ligne Béziers - Neussargues. A 25 km du lieu de camp. Pour moi, le retour en train nécessitait au moins 80 bornes pour rejoindre Montpellier, voire 110 avec un détour attirant par le Cirque de Navacelles.
J'ai longuement hésité à partir en Brompton, plus compact dans le train, ou avec mon vélotaf qui permet de rouler un peu plus vite. Et puis, quelques jours avant, j'apprends que je devrai rejoindre Bordeaux le lendemain matin pour le boulot. Il n'y a plus d'alternative : ce sera le Brompton, et au lieu de Montpellier, je vise Naucelle, au sud de Rodez, d'où je pourrai attraper le dernier TER pour un découcher à Toulouse.
Samedi 8 juillet 2023, nous quittons la maison pour la gare d'Avignon centre avec nos vélos. J'ai réussi à caser le gros sac à dos de scout en position verticale sur mon petit porte-bagage "Q-Rack". Le tapis de sol est attaché sur ma sacoche avant Borough L. Mon fils porte juste un petit "trunk bag" sur le porte-bagage amovible de son VTT. J'ai renoncé aux pédales automatiques, qui m'auraient imposé de transporter une deuxième paire de pédales et de chaussures, indispensables pour aller au boulot.
Direction Béziers pour passer la nuit. En effet, impossible d'y être assez tôt pour prendre le train du matin vers les Causses. Il n'y en a que deux par jour le dimanche, l'autre est en fin de journée, et le rendez-vous est à midi...
Nous découvrons en soirée le centre historique de Béziers, que nous ne connaissions pas, et qui est bien agréable.
Dimanche 9 juillet 2023, retour en gare de Béziers pour prendre le train 15940, estampillé "Intercité", pour Clermont-Ferrand. En réalité, les passagers pour Clermont devront changer pour un TER à Neussargues... Départ 9h38. Le train est remarquablement fréquenté pour un dimanche matin, des clients montant à chaque arrêt. Nous voyageons avec les membres d'un collectif qui promeut le développement du trafic ferroviaire de cette ligne. On ne peut qu'approuver l'initiative : la ligne, dévoilant des paysages magnifiques, a du potentiel touristique, surtout en été. Elle est également vitale pour le désenclavement des régions traversées, dont le climat hivernal est rude. Mais la desserte est squelettique, et l'infrastructure de sa partie nord nécessite d'urgence des travaux de rénovation.
10h58, avec quelques minutes de retard, le train nous dépose à Tournemire - Roquefort, en compagnie d'un couple équipé de monstrueux vélos électriques, qu'ils ont eu bien du mal à caser dans l'automotrice. Cette gare était jadis un carrefour ferroviaire, où s'embranchait une ligne vers St-Affrique, et une autre vers le Vigan. Si la première est devenue une voie verte, ce qu'il reste de la seconde accueille le vélorail du Larzac sur 16 km (testé l'an dernier et à recommander). Aujourd'hui, la gare est désertée. Les installations ferroviaires sont télécommandées depuis Millau, il n'y a pas âme qui vive et la façade est décrépie.
Nous nous mettons en route, sous un soleil radieux. La route s'élève progressivement dans un paysage légèrement vallonné, puis rejoint la voie ferrée jusqu'à St-Beaulize, avant de redescendre vers Fondamente en s'enfonçant dans la vallée de la Fousette, de plus en plus encaissée.
La gare de Montpaon, toute proche, n'était pas desservie par notre "Intercité", bonne excuse pour allonger le trajet en vélo ! Les routes sont peu fréquentées, et le revêtement est excellent. Heureusement, car mon Brompton est bien chargé, et le porte-bagage (chargé au delà des 10 kg réglementaires) ne repose sur le triangle arrière que par deux petites vis soumises au cisaillement, je crains donc les chocs !
Nous bifurquons vers St-Rome de Berlières, sur une route des plus secondaires, et notre équipée est à deux doigts de se terminer sous les roues de la 206 rouge d'un local, qui coupe allègrement les virages sans aucune visibilité. Heureusement, plus de peur que de mal !
Le paysage est très verdoyant, la sécheresse ne semble pas avoir cours ici ! Nous arrivons enfin au lieu-dit "La Mouline". Mon fils est épuisé par ses 25 km mais accueilli en héros par ses copains venus... en voiture !
Je fais le plein de mes bidons, et casse rapidement la croûte, puis prend congé du groupe. Le gros sac à dos reste sur place, et je récupère le trunk bag. J'ai environ 12 kg de bagages.
Il est 13h30, 30 min de retard sur mon planning, et il me reste plus de 120 km à parcourir. Dont une grosse centaine jusqu'au viaduc du Viaur, où j'ai un rendez-vous photographique avec le train de nuit à 18h30 ! Je redescends sur Fondamente par une boucle. Le village est désert. Symbole de cet abandon, un garage Renault tombe en décrépitude, ses pompes à essence affichent toujours les prix en Francs !
Cap sur St-Affrique en suivant la vallée de la Sorgue (pas celle de la Fontaine de Vaucluse !) sur la D7. C'est du faux-plat descendant, et ma moyenne est élevée, plus de 28 km/h sur 25 km ! A Lapeyre, je repère du coin de l'œil un robinet au coin d'une maison, qui me permet de ravitailler en eau, car il fait plus de 30°C et mes réserves s'épuisent rapidement.
J'atteins St-Affrique avec un retard réduit à 15 min sur mon horaire. J'évite la piste cyclable qui n'est pas revêtue : pas de temps à perdre aujourd'hui, et les routes, peu fréquentées, sont accueillantes pour le cycliste. Je suis maintenant la large vallée du Dourdou, affluent du Tarn, toujours majoritairement en légère descente. Aucun autre cycliste ne croise ma route sous le cagnard. Je m'arrête pour saluer deux ânes sympathiques dans leur pré écrasé de soleil.
Nouvelle pause à St-Izaire, pour prendre de l'eau dans une station service fermée. Moi qui espérais m'octroyer une boisson fraîche, ce sera pour plus tard !
Trois kilomètres plus loin, bifurcation. L'itinéraire recommandé aux cyclistes part à droite, suivant les méandres du Dourdou. La D200 file tout droit. Un rapide coup d'œil à la carte me convainc de la suivre. Je ne tarde pas à comprendre, lorsque je me retrouve face au portail d'un étroit tunnel, interdit aux vélos. Vu son aspect, il s'agit de toute évidence d'un ancien tunnel ferroviaire. Mes recherches ultérieures m'apprendront qu'il s'agissait de la ligne Albi - St-Affrique, qui ne sera achevée que sur quelques kilomètres d'Albi à St-Juéry. La plateforme, entièrement réalisée, y compris ses ouvrages d'art, ne verra jamais les rails, et accueillera finalement une route sur la plus grande partie de son tracé. Voici le lien vers sa fiche descriptive sur l'incroyable site Inventaires Ferroviaires :
www.inventaires-ferroviaires.fr/hd81/81257.a.pdf
Je décide de pénétrer dans ce tunnel en dépit du panneau : la circulation routière est des plus faibles, et si j'entends une voiture, je pourrai me réfugier dans une des niches, typiques d'un ouvrage ferroviaire. La fraîcheur est bienvenue, et les petites loupiotes bleu et oranges balisent le tracé de façon sympathique.
Quelques encablures plus loin, j'atteins un grand viaduc métallique sur le Tarn. Comme le tunnel, il est à voie unique, avec priorité aux circulations de sens opposé au mien. Deux voitures, dont une avec un bateau sur remorque, se sont pourtant aventurées jusqu'au milieu du pont, face à un autre véhicule qui était prioritaire. Je les laisse s'expliquer et contourne le "bouchon" par le trottoir, en me disant que le temps que le problème se résolve, je vais gagner de la tranquillité sur la route !
Après deux autres tunnels traversés sans encombre, me voici face au joli village de Brousse-le-château. Ce parcours d'inspiration ferroviaire est très agréable.
Repassé sur la rive droite du Tarn, je m'attaque à la première difficulté de la journée, avec 95 km dans les pattes : la montée de Lincou à Réquista, un peu moins de 5 km à 6,7 % de moyenne, qui permet de s'extraire du fond de la vallée. Il y a quelques passage bien raides qui font mal sous la chaleur, et mon nouveau plus petit braquet, 38x26, est mis à contribution. Ouf, me voici hissé sur un plateau. Cap sur Tanus, distant de 23 km, avec une petite incursion dans le département du Tarn. Le profil est plutôt en légère descente, mais parsemé de quelques remontées qui sapent le moral. Le cimetière de Tanus m'offre un nouveau ravitaillement bienvenu en eau.
Puis je plonge vers le viaduc du Viaur, passant par le belvédère de la rive gauche (en cul de sac, avec une sacrée côte pour en ressortir !), pour atteindre le belvédère du fond de vallée.
Je suis parfaitement à l'heure, espérons que le train le sera également. Je sors du "trunk bag" mon reflex, dont j'ai trimballé les presque 2 kg pour l'occasion. Un coup de sifflet, et voici le 724487 qui s'avance, minuscule sur l'immense ouvrage métallique, semblant suspendu dans le ciel ! Ce n'est pas vraiment le train de nuit, qui, lui, roule... la nuit. Mais l'acheminement de la rame vide de Rodez - d'où le train de nuit pour Paris part en semaine - à Albi, où il est amorcé les dimanches. Ce type de train corail tracté par une locomotive Diesel est devenu rarissime dans ce décor majestueux.
Voilà, la mission est presque accomplie. Reste à rejoindre Naucelle, à une douzaine de kilomètres, et... 200 mètres plus haut ! A y être, je décide de passer par le belvédère de la rive droite, et pour éviter un long détour, je m'engage sur le "chemin du Viaur". Plein d'herbe et d'ornières, en forte montée, il est impraticable et je pousse mon Brompton chargé sur la plus grande partie de l'ascension. Quelques passages plus favorables me permettent de l'utiliser en mode VTT. Sans problème avec la chape du dérailleur L-Twoo, qui semble pourtant offrir bien peu de garde au sol !
Le belvédère est tout aussi désert que celui de la rive sud. En attendant le passage d'un TER à immortaliser, je réserve une table à l'Hôtel des Voyageurs de Naucelle (il faut bien prévoir le réconfort après l'effort !).
Un dernier effort, justement, m'amène jusqu'à la terrasse bien agréable de cet établissement, où un aligot m'attendait, arrosé d'une bière bien méritée !
Après ce dîner réconfortant, je me laisse glisser vers la gare de Naucelle. Il était temps d'arriver, des crampes m'assaillent sur les derniers hectomètres ! Je me pose avec délectation dans le confortable TER pour Toulouse.
Bilan de la journée : 148 km pour 1540 m de dénivelé positif. Une grande joie pour moi d'avoir fait ce parcours avec Bromie (nous venons d'ailleurs, cette semaine, de passer lui et moi la barre des 3000 km de complicité depuis son acquisition en novembre 2022). Je valide sans réserve sa nouvelle configuration S10R, avec double plateau 52/38, dérailleur avant, roue P-Line (merci Patrick57), dérailleur arrière L-Twoo et cassette 5 vitesses 11-26. Le fonctionnement des manettes et dérailleurs est parfait. La faible hauteur au dessus du sol du galet inférieur du dérailleur arrière ne m'a pas gêné.
Me voilà encore un peu plus convaincu des possibilités offerte par le Brompton. Un argument supplémentaire lorsque je vante avec passion les mérites ce "vrai" vélo aux inconnus qui m'abordent fréquemment, intrigués par l'engin. J'espère vivre encore de nombreuses aventures à ses côtés !