De Madrid au Cap St Vincent (Portugal) en 10 jours

Voici le récit de mon échappée qui s’est terminée hier. Après mon Marseille - Bergen d’il y a deux ans, l’envie de me titiller de tenter une autre traversée européenne. À la faveur d’une invitation d’un collègue pour découvrir Séville, je sautais sur l’occasion pour tenter la traversée vers l’Ouest.
Mon travail actuel ne me permettant pas de prendre un mois complet pour la traversée depuis Marseille, j’ai dû me résoudre à ne commencer qu’à Madrid. Je garde la partie Marseille - Madrid pour une autre fois..
Le casting est le même, mon vaillant M6L orange et ses 14 ans et 30000 km et moi même. J’ai atteint la capitale espagnole par le TGV direct Marseille - Madrid, bien pratique.

J1 : Madrid - La Mata (Castille-La Manche) : ça commence dur, comme souvent pour ces longues traversées. Le corps rechigne un peu à l’effort au démarrage. Le vélo aussi puisque je fais ma première crevaison avec mon Conti Urban à l’avant sur un bord de trottoir à Madrid tout bête. Le pneu ne se doute pas de ce qu’il va endurer les 10 prochains jours… La sortie de Madrid n’est pas très agréable, les aménagements cyclables sont loin d’être parfaits mais je parviens à regagner les premières nationales qui traversent le plateau sec et battu par les vents de la Castille. C’est dur et le soleil cogne mais je parviens à ma première étape en restant sous les 100 km.


J2 : La Mata (Castille - La Manche) - Casas de Don Pedro (Estrémadure) : Je dors le soir dans des petites chambres pas chères pour voyager léger. Mais patatras, le coin que je m'apprête à traverser est un peu désertique. La première chambre à un prix correct se trouve à 180 km et le relief qui apparaît ne me permettra pas physiquement d’y arriver avec une telle chaleur. Je tente donc de prendre un bus sur le chemin pour retirer 50 km (et merci le Brompton pour sa discrétion malgré l’interdiction apparente des vélos en soute). Malgré cette aide, l’après midi sera l’une des plus difficiles que j’ai connues. Il fait très chaud, et les pentes s’enchaînent, toutes longues et marquées. La dernière pente sur une nationale est un calvaire. J’arrive au village étape dans un état de fébrilité absolue et il me faut 3 heures de repos pour trouver la force de ressortir. Heureusement un verre de vin rouge et quelques tapas, et je suis requinqué.


J3 : Casas de Don Pedro - Medellín (Estrémadure) : Casas de Don Pedro est un village charmant en bord de lac et j’ai un peu de regret à le quitter si vite et il me faut l’énergie du lever du soleil pour me pousser à reprendre la route. Mais la route est très belle et suit des canaux et c’est agréable. On entend quelques chasseurs un peu partout dès que le GPS invite à sortir de la route pour prendre un chemin. Je n’ai pas parlé des chemins de terre mais en Espagne, ils ne sont pas de tout repos pour nos montures. Soit c’est du caillou qui entraîne des vibrations fortes, c’est proche du sable et il n’est pas rare que le vélo s’enfonce dans la terre et qu’il faille le pousser à la main parmi les oliviers. Je suis le seul vélo à ne pas être un VTT mais qu’importe, le Brompton ne craint rien et je passe partout. J’arrive donc à Medellin, petit village chargé d’histoire et dominé par son château et son théâtre romain, du moins ce qu’il en reste. Il y avait même une pseudo voie verte (en réalité, une ancienne voie ferrée abandonnée avec quelques panneaux pour vélo mais c’est toujours pour du vtt). Je regarde le chrono, 90 km qui m’en ont semblé moins.

J4 : Medellín - Mérida (Estrémadure) : Étape courte du jour le permettant, c’est une petite grasse matinée qui ouvre le jour. Je ne comptais pas passer près de Merida sans m’y arrêter et je n’ai pas trouvé de détour à faire. Une quarantaine de kilomètres plus loin, je suis dans la capitale de l’Estremadure et ses nombreux monuments romains. S’il y a peu de choses à conter sur la partie vélo, il y a de quoi voir dans la ville. Elle regorge de sites romains plutôt en bon état. Pont, aqueduc, théâtre, temples, on s’attend à croiser Jules à chaque coin de rue.


J5 : Mérida - Monesterio (Estrémadure) : Je retrouve enfin une veloroute européenne, la EV1. Et je m’attends donc à une route dédiée qui serpente gaiement à travers les champs. Que nenni. La EV1, du moins sur ce tronçon, c’est un coup de marqueur sur une nationale et c’est à peu près tout. C’est donc parti pour plus de 100 km, dont au moins 80 sur le bas côté d’une nationale presque en ligne droite. Mais il faut reconnaître que les Espagnols sont étonnamment respectueux des cyclistes et prennent une large distance pour doubler. On ne se sent pas vulnérable. Du moins pas face aux voitures mais face à la chaleur, c’est autre chose. Si l’air est frais au petit matin, on atteint facilement les 27 degrés dans l’après midi et pas la moindre aire aménagée avec de l’ombre pour reprendre le souffle. Il faut donc ne pas avoir oublié l’eau…


J6 : Monesterio - Séville (Andalousie) : C’est le premier grand objectif de ce séjour. Séville est au bout des 110 km de la journée. Ça commence bien avec le passage par un long chemin de terre qui fait partie du sentier des pèlerins de Saint Jacques de Compostelle. On en croise donc bien plus que de vélos et ces deniers sont tout à fait sympathiques et échangent volontiers sourire et encouragements. Après tout, eux aussi gèrent leurs efforts. On rentre en Andalousie par le parc de la Sierra Norte de Sevilla et c’est étonnamment très vert. Mon imaginaire était nourri par les « prairies bordées de cactus » chantées par Cabrel et je découvre une Andalousie très verte, très agricole. J’apprendrai lors d’une de mes pauses que cela est menacé par une surconsommation d’eau. L’étape descend fort et je retrouve l’immense plaine dans laquelle siège Séville. Je vais m’y arrêter 4 jours pour des festivités entre amis et j’ai le plaisir de découvrir une ville particulièrement bien aménagée en pistes cyclables. La Grenoble de l’Andalousie..

J7 : Séville - Tavira (Portugal) : La reprise de la route se fait sans trop de difficulté malgré la longue pause. On pousse dans les plaines andalouses et on galère de temps à autre dans un chemin de terre défoncé. Arrivé à la frontière, c’est la pause forcée. Le ferry n’arrive que dans 45 min et oui, il faut un ferry pour passer le Rio Guadiana qui marque la frontière entre Espagne et Portugal. Pas de pont vélo/piéton sur des des dizaines de kilomètres. On nous avait dit que le premier pont en dur à Séville ne datait que du XIXeme siècle. Il aura fallu l’avènement de la structure métallique pour maîtriser les eaux perturbées du Guadalquivir. C’est probablement pareil ici pour le Guadiana. Et j’ai une pensée pour les récents évènements en Espagne. La pluie est tombée en masse à l’endroit où je suis passé à vélo quelques jours avant. Je rentre au Portugal dans la région de l’Algarve. La route est (un peu) en meilleur état mais on a toujours l’occasion de planter les roues du Brompton dans les sables de la Ria Formosa ou de ressembler à un shaker sur roues dès qu’on passe dans un village avec ses ruelles pavées.


J8 : Tavira - Olhaó : Étape de liaison d’une trentaine de kilomètres, histoire de profiter des visites et de ne pas se griller pour le rush final. On a enfin droit à une veloroute correcte, la première depuis le départ. Un chemin de terre plutôt stabilisée et avec relativement peu de caillasse qui serpente à travers les lagunes et les marais salants. De multiples occasions de s’arrêter et d’observer les oiseaux migrateurs présents en masse ici.


J9 : Olhaó - Lagos : La pluie tombe la nuit et s’arrête au petit matin. C’est parfait pour reprendre la route mais les routes sont détrempées et les passages en terre encore plus durs que d’habitude, la terre semblant coller au Brompton. Certaines portions de route sont défoncées, voire impraticables. Il y a parfois des bugs sur l’EV1, des arrêts de tronçon nets ou des portions disparues avec les éléments. C’est précisément ce jour que les inondations ont lieu en Espagne. Je découvre ça en lisant les nouvelles sur le portable au soleil. Tout cela semble si proche et si loin à la fois. Je reprends la route et atteins mon but, après 120 km. La route est plus fatigante que l’impression qu’elle en donne, les nombreuses parties en mauvais état et les récurrentes montées y contribuant beaucoup.

J10 : Lagos - Cap de St Vincent : Le bout de l’Europe est proche mais la météo fait des siennes. Encore une fois, rien à voir avec ce qui se passe un peu plus à l’Est, mais des pluies soutenues. Suffisantes pour sortir la veste adéquate et un pantalon de pluie acheté récemment chez Décathlon pour 25€ et qui va s’avérer bien utile. 40 km, c’est peu, mais c’est rude quand quelques pentes jusqu’à 20% se glissent dans les derniers kilomètres (je dois pousser le vélo alors, faute de Rohloff ou de Schlumpf). Finalement, la pluie se retire juste avant le cap et me laisse savourer le plaisir d’arriver au bout de ce voyage sans souci (à part la jante arrière qui a pété dans les derniers kilomètres). Je reste impressionné par la capacité du vélo à encaisser autant de chaos sur la route.

Merci Orange pour le partage de ce beau voyage.
Ça donne envie.
Ton témoignage prouve encore une fois que ce vélo permet de passer partout.

Merci pour ce sympathique récit !

Super ce voyage !

J'ai récemment fais Paris-Londres avec mon Brompton et ça m'a vraiment plu, j'ai hate de ressortir de Paris avec !

Comment s'est fait le retour ?

Orange Mecanique a écrit:

[u]..Je retrouve enfin une veloroute européenne, la EV1. Et je m’attends donc à une route dédiée qui serpente gaiement à travers les champs. Que nenni. La EV1, du moins sur ce tronçon, c’est un coup de marqueur sur une nationale et c’est à peu près tout...

Je suppose que lors de ton "Marseille - Bergen" en 2022 tu as dû suivre l'EV1 un bout de chemin entre la France et la Norvège.
Maintenant que tu as fait la partie sud de l'EV1 (en Espagne), il te reste à faire la partie intermédiaire qui traverse la France de la Belgique à l'Espagne.

Pour le retour, c’est un classique bus et train.

Pour l’EV1, et bien pas vraiment puisqu’elle repart de Bergen vers le Cap Nord quand je m’étais arreté à Bergen justement. Et en France, elle suit l’Atlantique quand je lui avais préféré les canaux du Rhône et de la Loire (et un petit détour sympa par St Quentin )
Par contre, j’avais pris des bouts d’autres EV mais je ne me souviens plus lesquelles.