Rolala

Bonjour ! C'est ici qu'on dit bonjour et qu'on raconte sa première expérience ? Euh, bon ben moi ça c'est passé comme ça :

C’est votre faute. Particulièrement celle de l’un d’entre vous. Je ne citerai pas de nom, non non non. Trois jours que mon nouveau vélo trône dans le couloir. Enfin, il ne trône pas vraiment, il semble plutôt ratatiné tellement il est... plié. Il la ramène pas. On dirait un enfant qui chouine dans son coin en reniflant ses larmes. J’ai ramené le vtt et ses roues de Massey Ferguson au garage et il est pas prêt d’en ressortir. Maintenant je peux aller aux chiottes sans me prendre une pédale dans le tibia. Le p’tit nouveau sait qu’il a intérêt à se faire discret. De toute façon il pleut, inutile de chougner, c’est pas pour aujourd’hui.

Hier après-midi, il fait beau sur Lyon. Belle ville gens cons me disait une amie. Je crois bien qu’elle m’incluait. Bref, il fait beau. Un temps idéal pour une inauguration sans risque. Bon alors, ce vélo... Je le déploie. Avant-hier j’ai fait une séance d’entrainement, deux heures, notice d’emploi à la main. D’abord monter la selle. Ensuite le guidon. Puis la roue avant, d’un élégant mouvement circulaire. Enfin la roue arrière, d’une bascule volontaire. C’est bon, je m’en souviens. J’appréhendais de me retrouver avec un Picasso après le bombardement de Guernica, mais non, tous les organes vitaux d’un vélo sont bien là, et tout à l’air à peu près à la bonne place. Remplacer élégant par bancal et volontaire par timorée, mais j’y suis arrivé. Je suis pas peu fier. Je fonce vers l’ascenseur.

Il est noir. Je le voulais de ce bleu laiteux des Bianchi qui me faisaient rêver quand j’étais adolescent, quand je regardais toutes les étapes du tour de France même celles où il ne se passait rien des heures durant, à traquer les bourdes de Chapatte dont la vue déclinante et l’apéro du matin l’amenaient régulièrement à prendre Hinault pour Anquetil, au temps béni où un vélo digne de ce nom c’était un truc avec des roues de 700, un 52x13 et des pédales automatiques. Je le voulais bleu Bianchi, mais ils en avaient plus en stock, et j’étais impatient comme un jeune chien, alors il est noir comme mon vieux route qui n’est pas un Bianchi et qui repose en paix en compagnie du vtt, au fond du garage, tout au fond. De profundis. Tiens, un accès de nostalgie... Ne plus y penser, faire comme si c’était un vrai vélo.

C’est parti. Rejoindre les quais de Rhône, au hasard des pistes plus ou moins cyclables. Essayer de s’habituer aux transitions de braquets. Le gros braquet est bien gros. Le petit est bien petit. Bon. Les écarts de développements sont énormes, ou alors je ne passe pas les vitesses dans l’ordre... Ca doit être ça... De loin j’aperçois un gars en... Brompton. Il est de l’autre côté du boulevard. Il fonce. Tout d’un coup, je me sens moins seul, et terriblement banal aussi, finalement. J’arrive sur les quais. Plouf plouf, direction Gerland. Des amoureux se bécotent sur les bancs publics, bancs publics, bancs publics. Ils n’ont même pas un regard pour mon vélo. Les salauds. Des enfants jouent au ballon sur le chemin du parc de Gerland, en plein sur ma trajectoire. Sont-ils inconscients... Chtoiiiing... ils s’écartent. La sonnette fonctionne aussi. Chtoiiiing... ça y est, les deux allongés sur l’herbe, là, je ne sais pas si je les ai réveillés de leur sieste crapuleuse, mais en tout cas ceux-là m’ont regardé. Je leur souris. J’ai dû les réveiller.

Demi-tour, ou sinon il faut prendre une péniche jusqu’à Marseille, et remonter le Rhône vers l’amont, contre vents, marées et cyclistes. Jusqu’à la source ? Il y a un panneau un peu plus haut indiquant les kilomètres restant pour arriver à la source ou à l’embouchure du Rhône. Jusqu’à la source... Jusqu’au parc de la tête d’or, ça suffira pour aujourd’hui. Pourtant, je vole. Parfaitement. Petit vent défavorable, léger faux-plat montant, je double tout un tas de cyclistes aux vélos rocambolesques (des trucs avec des roues de 700... pfff...). Je suis pas là pour m’amuser. Devant moi une dame. Une grande et belle dame. Sur un grand vélo hollandais. Le coup de pédale assuré, l’allure sereine et décidée. Du haut de mon mètre soixante-neuf, sur mes roues lilliputiennes, je me sens soudain minuscule. Je la regarde comme on regarde la pointe de la tour Eiffel quand on est sur l’esplanade au milieu des Japonais avec l’appareil photo en bandoulière. Mais je la dépasse quand même. Non mais sans blague. Je n’ose pas klaxonner.

Sous un pont, des flics ont l’air de chercher quelque chose. Le sol est caillouteux et inégal, et sous le pont je vois pas grand-chose. Le Brompton tangue. Je bafouille un changement de vitesse, je passe un gros développement au lieu d’un petit... Je suis à deux doigts de me vautrer sous le nez des flics. Je réussis finalement à me récupérer, et avec un braquet énormissime pour cinq kilomètres heure, je sors de ce piège en essayant de siffloter, l’air de celui qui n’a rien à se reprocher. Va falloir que je m’habitue à passer les vitesses dans le bon sens, en cas d’embuscade.

Je commence à avoir sacrément mal au cul. J‘aurais dû prendre plus de temps pour régler la selle. Ou alors prendre un cuissard. J’avance plus. La grande dame au grand vélo me repasse devant. Elle fait tinter sa sonnette. Je me sens microscopique.

J’arrive au parc. Je suis complètement cramé. Je manque d’écraser une petite fille et sa mère la sermonne en lui disant de regarder où elle va. C’est de ma faute. Voilà que je fais pleurer les petites filles maintenant. Je me pose sur un banc. Je prends un livre, met le vélo en position parking. Je ne peux pas lire deux lignes sans regarder mon Brompton devant moi, fièrement debout sur ses roulettes arrière. Quelle élégance... J’abandonne contraint la lecture, faute de concentration suffisante. J’ai très envie d’un bon apéro. Je vais quand même pas passer toute la journée assis sur un banc à regarder un vélo, aussi gracieux soit-il.

Dans un élan de folie furieuse, je décide de vérifier si le Brompton et ses braquets désobéissants est capable de monter à la Croix-Rousse, par la montée Saint-Sébastien, avec moi dessus accessoirement. Il y a quelques passages qui doivent bien faire leur 10%. Je ne sais pas ce qui m’a pris. Je commence la côte tranquillement. Puis le seul objectif devient vite de ne pas mettre pied à terre. Je passe devant le magasin de bières belges. J’ai de plus en plus soif. Fermé, congés annuels. Un complot. Je continue coûte que coûte. J’arrive enfin sur le plateau. Je brandis un poing rageur en signe de victoire. J’ai de beaux restes. Je n’ose pas lâcher complètement le guidon pour lever les bras et solliciter l’ovation, méritée n’est-ce pas, de la foule en délire.

J’arrive à la maison sous les hourras dans ma tête. Je plie le vélo. Je prends une douche. Je me sers un apéro gigantesque. L’examen de passage est réussi, l’apéro est bienvenu, le vélo se repose en attendant de nouvelles prouesses... Ca y est, il se sent comme chez lui. Adopté.

C’est votre faute. Mais, bah, je ne vous en veux pas.

Bravo et bienvenue. Ça donne envie d'aller boire des bières belges à Lyon.

Bonne route.

Très belle présentation, un vrai talent d'évocation, on en redemande ! En plus de passer du temps sur le brompton, il va falloir passer du temps sur le forum aussi, on va jamais s'en sortir !

Bienvenue Do

je t'invites à convertir toute ta famille au Brompton, qu'on découvre les romans de ré mi fa sol la si

a bientot

Bienvenue Do, et pour ta présentation

bienvenue à bord,

ET, bravo pour cet excellent papier plein d'humour qui nous fait revivre nos premières émotions et réussit à nous tenir en haleine jusqu'au plaisir ultime de cette première performance jusqu'au plateau !

Quel talent Do !

Une bicyclette peut éclairer une journée, peut-être même changer la manière dont on appréhende la vie.
Mon plaisir d'avoir, et de rouler sur mon Brompton est toujours aussi fort même après plusieurs mois. Et j'ai plusieurs vélos que j'aime, mais dont je ne me sers plus guère pour l'instant.

Mais à quoi cela tient-il ? Originalité, position de conduite, légèreté .... ? Franchement je ne sais pas vraiment. Mais rouler en Brompton c'est vraiment génial. Ca me donne l'impression d'être quelqu'un d'autre, de pouvoir rouler heureux ...

Magnifique reportage . Bienvenue!

Bienvenue à toi sur le forum!!

Vivement tes prochaines aventures Bromptonniennes!

Welcome on board...

Tout l'équipage est heureux de t'accueillir à son bord. Brompton airways te souhaite un bon vol, et je crois que tu ne vas jamais te poser

Bravo pour ton récit ! et bienvenue à toi.

quel message de présentation !
j'ai adoré te lire et j'ai hâte de suivre la suite de tes aventures rocambolesques

et puis, bienvenue sur le forum

Bienvenue à toi !!

Quelle plume !

DO, ton message je LA DO RE, SI SI !

Bienvenu ici à toi, et bravo pour cette promenade imagée ! C'est quoi le livre que tu n'as pas réussi à lire sur ton banc ?

Oulala merci merci merci !

Bromp’Lille > oh oui, slurp, la Chimay bleue est la glorieuse et indispensable contribution de la Belgique au bien-être mondial (et accessoirement au mien). Il y a ici 2-3 adresses dans le domaine qui valent leur pesant de cacahuètes. Mais en tant que Lillois tu me parais pas mal placé non plus...

Winnebago > je vais essayer de ne pas abuser, mais bon, quand je m’y mets, je papote je papote, et ça n’en finit plus !

Stanislas > sans oublier mon inénarrable jumeau, Ut.

Caro ‘ héros sportif ‘ > oulala, héros sportif ! Je me sens un peu comme quand je me suis fait dépasser par la dame au vélo hollandais !

Pierrox > euh, je sais plus bien. Pour être honnête cette histoire date de quelques semaines déjà... En ce moment c’est Le testament syriaque de Barouk Salamé et les Microfictions de Régis Jauffret, une pile d’un mètre en attente et quelques vieilleries parcheminées.

Et hotdog (miam), wazabe (wasabi ? miam miam), Azraq, magicdany, wisewill, willi, Fredo, jejemouth (tutubouche ?), GoodyGuy Ô Très Vénérable Grand Maître, merci pour vos sympathiques commentaires. J’essaierai de faire plus court la prochaine fois...

Do a écrit:

J’essaierai de faire plus court la prochaine fois...

Surtout pas !!!

On en veut encore !