A l'ère maoïste, l'entreprise chinoise "Pigeon volant", célèbre pour son vélo noir et robuste, était le symbole du "bol de riz en fer", l'emploi à vie: désormais elle tente de survivre face à une concurrence féroce et à la chute des ventes de bicyclettes.Dans les ateliers de l'usine, à Tianjin, une métropole portuaire située à deux heures de voiture à l'est de Pékin, un slogan illustre le changement d'époque: "Considère la qualité de la production comme ton propre bol de riz et ta vie".
"Maintenant, nous sommes une société par actions, une partie détenue par l'Etat, une autre par des privés", explique Zhao Xuejie, vice-directeur du département import-export.
Avant les réformes économiques de la fin des années 1980, "Pigeon volant" régnait en maître au royaume du vélo noir, surtout dans le nord, se partageant le marché avec d'autres compagnies d'Etat, comme "Forever" ou "Phoenix", basées elles à Shanghai.
Dans la Chine collectiviste, leurs vélos sommaires et massifs figuraient parmi les trois produits dont rêvait tout habitant, avec la machine à coudre et la montre.
"Il fallait économiser au moins un an pour pouvoir s'acheter des bicyclettes, maintenant en un mois on peut s'en acheter une", dit M. Zhao, 45 ans.
"La demande dépassait l'offre, les gens devaient s'inscrire sur des listes de réservation", se rappelle-t-il.
Dans la salle de réception, des séries de photos rappellent cet âge d'or, avec notamment un cliché en noir et blanc qui a immortalisé la visite de Mao Zedong dans les années 1950.
Mais le vent du capitalisme triomphant a failli emporter "Pigeon volant". Des centaines d'entreprises privées beaucoup plus dynamiques, aux coûts réduits et attentives aux demandes du marché ont éclos.
L'arrivée de capitaux privés en 1998 s'est traduit par une sérieuse restructuration. De 10.000 employés à la fin des années 1980, l'entreprise n'en compte plus que 700 aujourd'hui, payés 1.500 yuans par mois (194 dollars).
Et pour "Pigeon volant", les grandes figures de la Chine, comme Mao, qui veillaient au chevet de l'entreprise, n'ont plus guère d'utilité.
"Cela ne dit plus rien aux jeunes, pour la publicité il faut mieux faire appel à des vedettes de la chanson ou du cinéma", constate M. Zhao, en regardant la vieille photo du Grand Timonier.
"Les profits sont bas, les salaires et les matières premières augmentent, mais nous ne pouvons pas augmenter le prix des vélos", se plaint-il.
De plus, le vélo perd du terrain en ville face aux tranports en commun et la voiture, mais M. Zhao ne perd pas espoir, car la lutte contre la pollution est désormais une priorité du gouvernement.
"Le vélo permet de protéger l'environnement, ceux qui ont une voiture sont une minorité, la plupart ne peuvent se permettre d'en avoir une. S'il y a trop de voitures, les gens auront de graves problèmes. Dans de nombreux domaines, le vélo est irremplaçable", dit-il, visant également sur la clientèle des jeunes.
"Les jeunes auront besoin de faire plus d'exercice", ajoute-t-il.
Si, pour l'entreprise qui produit chaque année entre deux et trois millions de vélos, le modèle traditionnel, prisé pour sa robustesse dans les campagnes, représente encore 20% des ventes, d'autres modèles sont apparus, plus en phase avec les attentes des consommateurs: tout-terrain, pliables, pratiques pour lutter contre les vols de plus en plus nombreux en Chine, vélos de course ou électriques...
Le modèle le plus économique, destiné aux étudiants, coûte entre 200 et 300 yuans, le plus cher 2.000.
"Il faut garder l'esprit ouvert", lance M. Zhao en présentant un nouveau modèle exporté au Japon et au Danemark, le "pet bike", un vélo spécialement aménagé pour transporter à l'avant chiens ou chats...
L'entreprise s'est aussi tournée vers l'Afrique, l'Amérique latine et surtout l'Asie du Sud-Est pour les exportations.
Source : Yahoo! Actualités