Le Brompton et le vélo
C'est le contraire du vélo, le Brompton.Une silhouette profilée mauve fluo dévale à soixante-dix à l'heure: c'est le vélo.
Un père et son fils debout sur le porte-bagage dans les rues de Chelsea: c'est du Brompton.
On est d'un camp ou bien de l'autre.
Il y a une frontière.
Les routiers ont beau jouer du bar-ends: c'est du Brompton.
Les demi-courses ont beau fourbir leurs gardes-boues: c'est du vélo.
Il vaut mieux ne pas feindre, et assumer sa race.
On porte au fond de soi la perfection noire d'un Brompton, une écharpe flottante sur l'épaule.
Ou bien on rêve d'un vélo de course si léger:
le bruissement de la chaîne glisserait comme un vol d'abeille.
A Brompton, on est un piéton en puissance, flâneur de venelles, dégustateur du jour sur un banc.
A vélo, on ne s'arrête pas: moulé jusqu'aux genoux dans une combinaison néospatiale,
on ne pourrait marcher qu'en canard, et on ne marche pas.
C'est la lenteur et la vitesse? Peut-être.
Il y a pourtant des moulineurs à Brompton très efficaces,
et des petits pépés à vélo bien tranquilles.
Alors, lourdeur contre légèreté?
Davantage.
Rêve d'envol d'un côté, de l'autre familiarité appuyée sur le sol.
Et puis....
Opposition de tout.
Les couleurs.
Au vélo le chrome, le metallisé, le jaune fluo,
et pour le Brompton le bleu marine, le noir, le rose, le turquoise, le vert anglais, le rouge mat.
Matière et formes aussi.
A qui l'ampleur, la laine, le velours, les jupes, le costard-cravate?
A l'autre l'ajusté dans tous les synthétiques.
On naît Brompton ou vélo, c'est presque politique.
Mais les vélos doivent renoncer à cette part d'eux-même pour aimer
- car on n'est amoureux qu'à Brompton.